Tous les jours, de nouveaux livres sortent. La plupart du temps écrits par des auteurs qui étaient, quelques jours auparavant, encore de parfaits inconnus et qu'on voudrait, du jour au lendemain, faire rentrer au Panthéon des auteurs. A peine achevé la dernière page de leur prose, on voudrait leur ériger des statues. Aucun qualificatif n'est trop beau pour eux. On en parle à ses voisins, on fait grand bruit autour de leur livre, on le conseille même par mail et cette réputation de carton fait le tour du monde.Sans être vieux jeu ni conservateur, ni même encore rabat-joie il y a des auteurs qui figurent peut-être dans les parties empoussiérées de certaines bibliothèques, mais qui valent le coup. Certains auteurs sont considérés comme les "classiques" de la littérature et pour certains, cet attribut à quelque chose de négatif. Comme si de figurer au panthéon légitime des Lettres rendait tout de suite un écrivain "ringard". Mais je n'ai pas honte de le dire, il y a sans doute plus de génie chez certains noms du Lagarde et Michard que dans les pseudos géniales inventions de certaines signatures contemporaines.
Il suffit tout simplement d'aller voir du côté de chez Proust. Extrait.
"Un petit coup au carreau, comme si quelque chose l'avait heurté, suivi d'une ample chute légère comme de grains de sable qu'on eût laissé tomber d'une fenêtre au-dessus, puis la chute s'étendant, se réglant, adoptant un rythme, devenant fluide, sonore, musicale, innombrable, universelle: c'était la pluie."
Proust, Du côté de chez Swann, Folio classique p100
Il y a dans ces quelques lignes qui prennent comme objet de décrire la pluie une poésie, un rythme, une précision ciselée dans de la dentelle qui frisent le génie. Il y a, dans cette évocation, somme toute banale, de l'eau ruisselant et cognant contre les carreaux, une pertinence dans le choix des mots et dans la composition de la phrase qui détaillent si bien le phénomène qu'on a l'impression de le découvrir pour la première fois. Il y a dans cette phrase une musicalité si savamment construite qu'elle enchante l'esprit. On pourrait disserter des heures sur ce passage. Là n'est pas la question. Le but est de le comparer à ces ouvrages, si savamment articulés, mais dont la saveur laisse à désirer. Ces volumes, parfois en tête des ventes, ô combien peu révélatrices du talent, brillent par leur élégance à tirer des ficelles toutes plus innovantes les unes que les autres. Mais combien ont la profondeur, la réflexion, la pertinence d'un Proust. Ou d'un Balzac, d'un Hugo, d'un Racine... Peu. Comme quoi, un ange aux ailes divines et muni de l'épée de Saint-Michel, ferait parfois bien de surgir de ces panneaux en carton qui décorent inutilement les piles de livres à l'entrée des librairies et clamerait comme une sentance de mise en garde "Allez d'abord faire un tour du côté de chez Proust!"
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
0 Response to "Du côté de chez Proust"
Enregistrer un commentaire